C’est le 17 novembre 2018 qu’a eu lieu la première grande manifestation des gilets jaunes. Un an après, que reste-t-il de ce mouvement ? Comment a-t-il marqué la vie politique et sociale en France ?
Avant de répondre à ces questions, revenons sur les causes et les revendications. Il y en a essentiellement trois : tout d’abord une révolte socio économique contre la vie chère, les taxes et les inégalités qui, contrairement à l’habitude, s’est focalisée sur les prélèvements fiscaux et non sur l’organisation capitaliste de l’économie et la pression qu’elle fait peser sur les Etats. Ensuite un refus du déclassement territorial qui s’est manifesté notamment sur les ronds-points, les péages, les préfectures. Enfin, une demande de démocratie directe qui s’est traduite dans la structuration même du mouvement et dans la revendication du référendum d’initiative citoyenne (RIC).
C’est la démocratie directe qui a, semble-t-il, été à la fois la force et la faiblesse du mouvement.
Bien pratique pour manifester et déjouer les manipulations diverses, l’absence de représentation assumée – boostée par la dynamique anti-institutionnelle des « groupes Facebook » – a empêché le mouvement de se structurer et de réussir non seulement le dialogue avec l’exécutif mais aussi la percée aux européennes.
« La défiance est montée d’un cran »
Dès lors il reste de tout ce grand mouvement – que personne n’avait prévu ni vu venir – un goût amer qui ne va pas faciliter le lien social. La défiance est montée d’un cran. Et aux traditionnels boucs émissaires que sont les gouvernants et les forces de l’ordre se sont désormais ajoutés les préfets, les députés, les maires de grandes villes et surtout les médias.
Pourtant il faut bien enregistrer, au crédit du mouvement, un – petit – virage social du gouvernement et un – petit – virage territorial du même gouvernement.
Emmanuel Macron a bien compris que les communes avec leurs maires étaient le premier lieu de responsabilité citoyenne, son premier lien de confiance. La loi « Engagement et proximité » va dans ce sens, de même que la promotion des maisons de service au public en zones rurales.
Mais il y a une tendance lourde qui vient de loin – et qui a très vraisemblablement été renforcée par ce mouvement : il s’agit de la propension à confondre son propre intérêt catégoriel ou personnel avec l’intérêt général.
« De ce côté-là, la seule « sortie » possible, la seule « solution », c’est l’écologie. »
Elle se vit au niveau local mais doit intégrer le global, car tout est lié, inexorablement. Elle réconcilie la démocratie – sous sa forme participative car chacun est concerné – et la nécessaire expertise, toujours élitiste. D’ailleurs tous les partis politiques se sont peu à peu peint en vert pour le printemps ! Résultat des européennes oblige ? Quoi qu’il en soit la plus grande prise en compte de l’écologie sous tous ses aspects : économique, social et environnemental, reste la bonne nouvelle de cette année.Si la crise des Gilets jaunes n’avait servi qu’à cela, ce serait déjà une excellente chose.
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Jean-Pierre Rosa, rédacteur des SSF