L’incendie de Notre-Dame, métaphore de nos existences

A lire et à écouter les réactions après l’incendie de Notre Dame, on ne peut qu’être frappés par le retentissement intérieur de l’événement sur chacun de nous et par la facilité avec laquelle chacun y voit un symbole à déchiffrer. Comme si cet incendie était devenu la métaphore de nos existences individuelles et collectives. Comme si cet événement avait quelque chose à nous dire et était porteur d’une vérité pour nous même, pour notre nation et l’humanité tout entière.

Le temps de l’ébranlement et de l’effondrement

François Sureau va jusqu’à parler de « la présence de Dieu non pas dans l’incendie mais dans cet appel, cette douleur intime que nous avons ressentie ». Il nous invite à rentrer en nous- même et à prendre le temps de regarder l’événement en face alors que nous pourrions être tentés par le désir de tourner la page et de reconstruire trop rapidement.  » Je voudrais nous souhaiter d’abord le silence qui seul est à la mesure de cet ébranlement profond…Que l’on ne se hâte pas de céder au volontarisme, à l’oubli de tout dans l’action, au lieu de méditer simplement sur ce qui nous a menés là, par un chemin ou un autre ». (1)

Si François Sureau parle d’ébranlement intérieur, Guillaume Erner parle lui « d’effondrement spirituel ». « L’incendie de Notre-Dame, c’est un effondrement, une sorte de 11 septembre spirituel, même lorsque l’on n’est pas chrétien ». Tout comme pour le 11 septembre, nous avons en effet regardés « hébétés », nous avons « retrouvé le même regard devant l’effondrement de la flèche de Notre-Dame. » (2)

Béatrice Delvaux, éditorialiste dans Le Soir, devant cette « image, terrible, d’un président impuissant au pied de ce géant qui se consume » ne peut s’empêcher de voir dans cet effondrement, « une métaphore de tant de pouvoirs lézardés et incendiés, d’un monde fragilisé ».

Pour Greta Thunberg, la jeune Suédoise qui s’est donnée pour mission d’alerter sur le réchauffement climatique, l’incendie de Notre-Dame de Paris nous rappelle la fragilité de notre civilisation.

« Hier, le monde entier a assisté avec tristesse et désespoir à l’incendie de Notre-Dame de Paris, mais Notre-Dame sera reconstruite. J’espère que ses fondations sont solides. J’espère que nos fondations sont solides aussi, mais je n’en suis pas sûre…Il va falloir passer en mode cathédrale. Je vous demande de vous réveiller et de faire ce qui est nécessaire ».

Le temps du réveil et du sursaut

Si quelque chose a été « ébranlé » et s’est « effondré » avec cet incendie, Notre-Dame nous parle également de réveil, de sursaut, de relèvement. Comme si cet incendie nous réveillait d’une torpeur individuelle et collective après un long sommeil.

François Sureau, y voit un « appel à devenir meilleurs ». François Xavier Bellamy, une invitation à reprendre conscience que « nous sommes liés les uns aux autres, sans le savoir parfois, par une histoire qui nous précède, et qui nous engage…Où sont les clés de voûte qui pourraient nous tenir ensemble ? » (3). Le Père Guillaume de la Menthière a vu lors de cette « nuit de feu », « une mystérieuse communion » qui « semblait régner enfin sur ce peuple de France dont les mois écoulés avaient si tristement montré au monde le morcellement et les fractures ».

Comment enfin ne pas songer à l’Eglise et à cet autre incendie qui ravage l’Eglise ?

Comment ne pas penser à saint François qui entend cet appel de Jésus à restaurer son église en ruine. Le bâtiment de pierre bien sûr, mais aussi, plus profondément, la communauté des disciples du Christ. « Ces pierres dont le Seigneur nous disaient hier encore qu’elles crieraient, ne les entendons-nous pas, encore fumantes, appeler au sursaut et à la foi ? » (Guillaume de la Menthière)

L’incendie de Notre-Dame nous parle de nos existences, des doutes et des peurs qui fragilisent les individus et nos sociétés face aux menaces de toutes sortes. Mais l’incendie de Notre Dame nous parle plus que tout de notre désir de relèvement pour nous même et pour l’humanité. Que l’incendie de Notre-Dame devienne un mémorial. Pas seulement celui d’un désastre mais surtout celui d’une promesse. Celle du relèvement de nos existences.

  1. François Sureau, « Nous étions tous venus au chevet de Notre-Dame », La Croix, 16 avril 2019
  2. Guillaume Erner, L’humeur du Matin du 16 avril 2019, France Culture
  3. François-Xavier Bellamy, « La perte d’une part intime de nous-mêmes », Le Figaro, 16 avril 2019

—-

Frédéric Rochet, rédacteur des SSF

—-

Les plus récents

Voir plus