La prison de la Santé a rouvert ses portes le 7 janvier de cette année après quatre ans et demi de travaux.
Les pouvoirs publics ont longtemps hésité à la vendre car les travaux de rénovation de cette prison vétuste promettaient de coûter très chers. Le prix du m² dans ce quartier du centre de la capitale, limitrophe entre le XIIIème et le XIVème arrondissement, pouvait être un argument supplémentaire à la vente dans une période de restriction budgétaire. Déjà, lors de la construction de Fleury-Mérogis en 1968, il était question de fermer La Santé. Il est vrai que la construction de cette ville carcérale de plus de 3000 places était pensée, dans les années 70, comme l’avenir du système pénitentiaire national. La prison de Fleury-Mérogis reste à ce jour la plus grande d’Europe. Pourtant, pour des raisons pratiques d’accès à la cité judiciaire et, surtout pour des raisons symboliques, il a été décidé de rénover la prison et de la maintenir dans Paris.
« on y trouve le gymnase, le centre scolaire, la salle de culte, l’infirmerie, le parloir avocat, des lieux collectifs et conviviaux »
La prison de la Santé couvre un territoire de 2,5 hectares. En raison du caractère historique du monument, la partie basse, avec ses quatre bâtiments en étoile autour d’une rotonde, a été restaurée. Les quartiers hauts ont été détruits et reconstruits sur quatre étages de détention. Entre les deux parties, un grand couloir de passage et de traverse où on y trouve le gymnase, le centre scolaire, la salle de culte, l’infirmerie, le parloir avocat, des lieux collectifs et conviviaux. Au-dessus de ce couloir, le quartier disciplinaire et le quartier d’isolement.
« la prison de la Santé est donc potentiellement en surpopulation de 150% »
Les cellules font entre 8,5 et 9,4 m², pour deux personnes, car la France ne s’est toujours pas conformée à la règle européenne de l’encellulement individuel et a obtenu un moratoire jusqu’en 2022. Toutes les cellules ont deux lits superposés. Christelle Rotach, la directrice, a su dès le commencement que la capacité de 800 détenus allait être très vite dépassée, elle a préféré mettre directement deux lits par cellule plutôt que d’ajouter des matelas par terre à mesure des arrivées. Avant d’ouvrir, la prison de la Santé est donc potentiellement en surpopulation de 150%, certains pessimistes prévoient même assez rapidement un taux d’occupation de 200%.
Elle fut inaugurée le 20 août 1867. C’était un des premiers établissements construits pour servir de prison. Jusque-là, on utilisait d’anciens monastères ou d’anciens thermes. La prison de Fresnes suivra de près en 1898. Les cellules comportent toutes, à l’époque, l’eau, l’électricité et des toilettes. Comme aujourd’hui, l’opinion publique s’offusqua de ce luxe offert aux détenus alors que les logements du quartier n’avaient pas tous l’eau courante. “Le mobilier se compose d’un lit de fer scellé dans le mur, avec matelas et traversin; des charnières permettent de le relever pendant le jour (…) Une chaise est retenue par une chaîne assez longue pour permettre son déplacement, mais retirant au prisonnier la possibilité de s’en servir pour frapper son gardien” (L’Illustration du 18 mars 1899, p.169).
Aujourd’hui des douches sont installées dans chaque cellule dans un modeste cabinet de toilette qui n’est séparé du reste de la pièce que par une porte à battant sans fermeture totale pour que l’on puisse voir l’intérieur depuis l’œilleton. Les douches dans chaque cellule permettent d’éviter les mouvements des détenus vers les douches collectives qui sont “toujours d’une grande complexité à organiser et sources de tensions entre eux et avec les surveillants” explique un surveillant. Cela évite aussi au détenu de s’humilier en devant négocier une douche supplémentaire par rapport aux deux douches hebdomadaires autorisées.
Selon la nouvelle réglementation, chaque cellule est équipée d’un point téléphone dont le coût est supporté par le détenu. La nouvelle prison de la Santé inaugure en parallèle un système de brouillage des portables. Les détenus qui viendront à la Santé devront tous habiter Paris ou, pour les SDF, être domiciliés dans un centre d’accueil parisien. Jusque-là les prisonniers étaient répartis entre Fresnes, Fleury-Mérogis et la Santé en fonction de… l’ordre alphabétique de leur nom.
Incontestablement, les conditions de détention s’améliorent, il reste cependant la question lancinante de la surpopulation carcérale. Une véritable réinsertion ne sera possible que si l’on parvient à respecter l’intimité minimum de la personne détenue et que si l’on prend du temps avec chaque parcours chaotique que l’on rencontre dans les murs.
Brice Deymié, Aumônier national des prisons, Fédération protestante de France