Ce mardi 13 septembre, la salle Paul Riblet du tout nouveau musée de l’homme à Paris est pleine à craquer. C’est le lieu que le Président de la République a choisi pour annoncer un plan stratégique, de lutte contre la pauvreté des jeunes et contre l’exclusion sociale. Il s’exprime après que trois personnes confrontées à de graves situations d’échec et luttant contre la pauvreté aient elles-mêmes donné un témoignage très personnel.
Le discours est fort. Il se réfère à Saint Exupéry, au Père Wresinsky, mais surtout aux personnes qui se sont exprimées avant lui. Les annonces sont significatives, argumentées et chiffrées. Elles s’attaquent à deux points noirs spécifiques de la pauvreté en France. La sur-pauvreté des jeunes d’abord. Chez nous, l’écart de 5 points entre la pauvreté des jeunes et celle de la population française en moyenne est l’un des plus élevés en Europe et fait craindre une transmission intergénérationnelle de la pauvreté. Les enfants pauvres risquent fort d’être les plus mal armés lorsqu’ils auront eux mêmes à se battre pour que leurs enfants s’en sortent mieux qu’eux. L’autre point noir c’est la difficulté de trouver du travail lorsque l’on a été longtemps éloigné de l’emploi. Chez nous plus qu’ailleurs la pauvreté s’incruste avec le chômage de longue durée, elle érode au fil du temps la capacité de rebondir.
La stratégie s’attaque méthodiquement à ces deux points noirs : fonds d’investissement social dans la petite enfance ; formation des maîtres dans les zones d’éducation prioritaire et appui aux parents en difficulté ; nouvelle garantie universelle d’accès à une formation jusqu’à 18 ans ; renforcement de la garantie jeune jusqu’à 25 ans ; mise sur pied d’un service public de l’accompagnement vers l’emploi ; fonds de contractualisation avec les départements et clarification de leurs responsabilité; esquisse d’un revenu universel d’activité qui devrait simplifier l’accès effectif aux minimas sociaux et réduire les taux de non recours. Il y a certes des points faibles que les grandes associations de lutte contre la pauvreté rassemblée dans le collectif Alerte ne manquent pas de faire valoir : insuffisance des ressources du logement social particulièrement de l’offre de logements accessibles aux plus défavorisés ; insuffisance de la revalorisation du « RSA socle » pour ceux qui n’ont aucune activité ; oubli des personnes âgées isolées.
Mais au-delà de l’énoncé d’une stratégie à mettre en œuvre désormais, les participants à cette rencontre retiendront le témoignage que ce jeune Président tient à donner de sa propre conversion à la parole des pauvres. « Il y a quelques mois, je n’aurais pas pensé qu’ils m’auraient à ce point changé. Ils ont raison. C’est eux qui savent ce qu’il faut faire pour vraiment réussir. Ils ont suffisamment lutté pour savoir « . On est aux antipodes du soupçon de l’assistanat. Tout le monde se regarde. Cet homme a donc vécu, au fil de ses visites en différents lieux de vie, d’accueil et d’hébergement, le tournant que la lutte contre la pauvreté a pris depuis une décennie sous l’impulsion d’ATD Quart monde, amplifié dans le monde chrétien par la grande rencontre Diaconia2013. Rien pour les pauvres sans les pauvres eux-mêmes, sans qu’ils n’aient participé à la conception de ce qui est censé leur venir en aide. Il reste maintenant à prendre le Président au mot.
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Par Jérôme Vignon, président d’honneur des SSF