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Dossier La Tribune du Christianisme social
Les personnels soignants hospitaliers sont excédés, épuisés par le manque de moyens, et on imagine souvent que cette situation est singulière à la France. Pourtant, c’est loin d’être le cas et le même malaise se retrouve dans d’autres pays occidentaux. Au Royaume Uni, la population craint une privatisation du système de santé, dans le contexte déjà difficile du Brexit. Au Canada et aux Etats Unis il y a un problème très important dans l’accès aux soins. Et la liste pourrait être rallongée à l’infini. Alors pourquoi ces difficultés apparaissent-elles précisément maintenant ? Il faut se rappeler que les systèmes de santé dont nous bénéficions en France mais dont bénéficient aussi nos concitoyens à l’étranger ont été conçus à la fin de la seconde guerre mondiale, à un moment où les enjeux étaient très différents. Or, la société et le système de soins vit en ce moment plusieurs mutations/transitions, à la fois sur le plan épidémiologique ( les maladies actuelles se chronicisent, avec un taux élevé de maladies cardiovasculaires, de cancers, de maladies métaboliques comme le diabète, maladies souvent liées au stress et au régime alimentaire), démographique ( vieillissement de la population), professionnel (les attentes des jeunes professionnels sont très différentes : forte demande de plus de collégialité, qui se traduit par un exercice plus collectif du soin, par exemple dans les Maisons de santé pluridisciplinaires), paradigmatique (la médecine est devenue à la fois plus technologique, mais aussi plus centrée sur la prévention et la personnalisation des soins) et enfin sur le plan de la relation patient-médecin (le patient est à présent présenté comme un partenaire)(1) . Le système de soin élaboré après la guerre, et en particulier l’hôpital, n’est pas adapté à ces transitions et les personnels soignants sont confrontés à une perte de sens.
Les demandes des personnels concernent surtout une augmentation des moyens. Bien sûr, elle serait bienvenue. On peut par exemple penser à une revalorisation des salaires, en particulier ceux des personnels paramédicaux : les infirmiers espagnols gagnent en moyenne 28% de plus que leurs collègues français. En plus d’être juste par rapport au travail, cela rendrait aussi la profession plus attractive, et serait une manière indirecte de dire à ces personnels toute l’estime que la société a pour leur travail. Par ailleurs, l’ouverture de lits supplémentaire permettrait de faire face à la situation de saturation de l’hôpital public. Un autre levier consisterait à réduire la part du budget consacrée à la gestion administrative (5.7% en France, contre 1.7% en Suède). L’augmentation du budget associée à ces trois mesures est donc nécessaire. Mais en même temps, cela ne suffit pas. En effet, même avec un hôpital moins saturé, plus de moyens et des salaires plus élevés, les personnels soignants continueront d’expérimenter un malaise aussi longtemps qu’ils n’auront pas face à eux un horizon de sens, assumé par la société toute entière. Et pour cela, il faut agir sur au moins deux leviers : a) développer bien davantage les soins centrés sur la personne, en humanisant le soin. Cela nécessite des formations bien sûr, mais aussi de valoriser davantage l’empathie. b) améliorer la gouvernance des services hospitaliers, en y associant davantage toutes les catégories de personnels. Cette évolution vers plus de collégialité permettrait une appropriation plus collective de cette quête de sens.
Pour conclure, le malaise actuel est bien réel, mais y répondre uniquement par une augmentation des moyens est insuffisant pour adresser la souffrance au travail des soignants : la société toute entière doit se réapproprier le sens du soin. C’est un enjeu majeur de la prochaine décennie.
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Catherine Belzung, rédactrice des SSF
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