La bioéthique, un sujet éminemment social ?

Est-ce un sujet pour les Semaines sociales de France ? L’enseignement social de l’Eglise dit-il quelque chose sur les questions posées par la révision des lois de bioéthique qui arrive en discussion au Parlement, pour n’être votée qu’en 2020 ? La succession des billets ici publiés donne une évidente réponse : oui, la bioéthique est un thème éminemment social pour peu que l’on veuille bien admettre que ses sujets ne relèvent pas seulement de l’intimité des personnes mais ont un impact sur l’organisation de la société dans son ensemble.

« Quelle société voulons-nous ? »

De nombreux articles de cette loi, au stade actuel de sa rédaction, ont de fait des répercussions sur notre vie collective : tel était d’ailleurs le titre de la consultation des Etats généraux du printemps dernier, « quelle société voulons-nous ? ». Se confrontent, dans les réactions au texte proposé, deux positions : l’une met en avant la liberté des personnes, leur choix, leur autonomie (et ce ne sont pas des valeurs secondes) ; l’autre préfère mettre en exergue la cohésion de la société, l’intérêt de tous (ou plutôt le bien de tous, le bien commun).

La procréation en est un symbole du croisement entre l’intime et le collectif.

Elle ne regarde pas seulement la femme ou le couple (qu’il soit d’ailleurs hétérosexuel ou homosexuel) en désir d’enfant ; elle entre dans la chaîne des générations et construit la société. Et quand il y a recours à la technique médicale et aux donneurs de gamètes, cela concerne les médecins et la définition de leur rôle, les donneurs, et surtout l’enfant à naître dont il est souvent rappelé que tout doit être pensé en fonction de son intérêt supérieur mais dont on choisit, en ouvrant la PMA aux femmes en couple homosexuel ou seules, de le priver d’un père.

Autre pan de la réflexion : le dépistage des maladies et son élargissement, mais aussi tout ce qui concerne une possible intervention sur les gènes et leur modification … Au bénéfice de parents soucieux d e mettre au monde des enfants sains, mais avec le risque, déjà présent, d’une sélection que certains appellent eugénisme, non pas un eugénisme d’Etat mais cet eugénisme libéral dont parlent les évêques français , en fait l’agglomération de décisions individuelles conduisant à ne plus faire naître des enfants porteurs de graves pathologies. Quel regard sur le handicap, sur la différence, sur la fragilité, cette évolution entraîne-t-elle ? Dans son « rêve » évoqué aux Bernardins, le 16 septembre, Mgr Pierre d’Ornellas, en charge du dossier bioéthique à la conférence des évêques de France, s’est inquiété d’un déséquilibre entre les valeurs républicaines d’égalité, de liberté et de fraternité.

Dans cette course à la satisfaction des envies d’égalité et liberté, rendue possible par les avancées de la science, que reste-t-il de la fraternité ?

Un débat a eu lieu en France, dans de multiples cercles, et ce n’est pas rien. Les opposants à la nouvelle loi ont le sentiment que leurs inquiétudes n’ont pas été entendues. C’est certain. Mais il est apparu à qui a bien voulu creuser le dossier qu’il ne suffisait pas de répondre par un oui ou par un non aux questions posées, mais qu’il fallait discerner l’enchaînement des conséquences. Il est à craindre qu’au moment des débats parlementaires, ne soit qu’esquissée la complexité de ces conséquences.

Il restera à chacun d’entre nous – loi ou pas loi – à s’interroger sur ce que, individuellement, il est prêt à accepter ou ce qu’il refuse, au regard de la société qu’il veut construire pour les générations futures.

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Dominique Quinio, présidente des SSF

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