Lors de sa journée de rentrée, le 15 octobre dernier l’Action catholique ouvrière (ACO) du littoral dunkerquois avait choisi pour thème celui de la dignité, en lien avec le travail. Depuis plusieurs années, l’ACO, avec d’autres mouvements et services de l’Eglise (Jeunesse ouvrière chrétienne, Mission de la mer, Mission ouvrière) participe en effet aux initiatives de la Journée mondiale pour un travail décent le 7 octobre, et qui visent à rappeler que le travail, à la fois source de revenu et de construction de soi et de participation au bien commun, est un élément central de la dignité humaine. On retrouve cela dans la pensée sociale chrétienne et, plusieurs fois, le pape François en a rappelé toute la force. C’est ainsi que le 1er mai 2020, en pleine pandémie mondiale du Covid, au moment où l’on se souvenait que certains travailleurs jouaient un rôle plus essentiel pour la société que celui des traders de la Bourse, François nous disait, dans une homélie : « la vocation que nous donne Dieu est très belle: créer, re-créer, travailler. Mais on peut faire cela quand les conditions sont justes et que l’on respecte la dignité de la personne. »
C’est d’ailleurs ce que nous rappelait ce membre de l’ACO lors de la rencontre citée plus haut. Si le travail souligne la dignité de la personne, il convient de ne pas oublier que son respect ne tombe pas du ciel. Il faut agir pour la défendre et la faire grandir. Une infirmière indiquait aussi lors de cette réunion que travailler dans des conditions où les moyens manquent et où la santé est devenue un coût et l’objet d’économies, finissait par décourager les personnels et leur faire perdre tout le sens qu’ils donnent pourtant à ce métier du soin à forte dimension humaine.
Avoir les moyens de faire valoir sa dignité. C’est ce qui amène aujourd’hui de nombreux travailleurs à se faire entendre pour exiger des revenus et salaires dignes de ce nom. Ceci quand, parallèlement, des augmentations faramineuses récompensent les dirigeants de grand groupes : selon la récente étude de Proxinvest la rémunération des patrons du CAC 40 a bondi de 52% entre 2019 et 2021[1], ou quand les journaux font état de versements vertigineux de dividendes aux actionnaires. C’est un sentiment d’injustice profond qui s’est exprimé dans le monde ouvrier et populaire ces derniers mois et qui ne risque pas de s’apaiser avec l’aggravation de la crise, énergétique notamment. On s’appuiera pour finir sur cette décision récente de l’Assemblée nationale, la même qui avait refusé de mettre en cause les « superprofits » il y a quelques mois, de voter une loi permettant de restreindre les indemnités des chômeurs et d’en faire une variable d’ajustement du marché de l’emploi. A peu près au même moment, le Secours catholique présentait son rapport annuel dans lequel on peut lire que la moitié de ses bénéficiaires survit en France avec 5 euros par jour. Décidemment le pape François a raison : faire valoir la dignité du travailleur, y compris de celui qui est privé d’emploi, suppose d’agir concrètement pour en défendre les conditions d’exercice, qu’il s’agisse des moyens d’action à accorder aux personnes sur le terrain ou des revalorisations salariales.
Bruno Cadez, délégué diocésain à la Mission ouvrière de Lille
[1] Le Monde du 21 novembre 2022.