Retour sur la Rencontre de Reims
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Les conférences de dimanche ont été consacrées à s’interroger sur la transformation. Transformation du fonctionnement de la finance et des institutions internationales le matin, et plus modestement de la personne l’après-midi. Modestie ne signifie d’ailleurs pas simplicité, comme l’a montré le discours du jésuite Etienne Perrot : l’exercice de notre responsabilité personnelle face à l’argent demande une réflexion approfondie. Même si cela ne l’a pas empêché à plusieurs reprises de citer sa grand-mère, dont le bon sens l’a aidé à dissiper quelques ambiguïtés.
L’économiste et professeur d’éthique économique à l’Institut catholique de Paris s’est d’abord attelé à définir notre posture face à l’argent. Un mot pour le résumer ? Sans doute le salut, au sens latin de santé. « La santé, c’est d’être capable de réagir aux infidélités du milieu, aux changements perpétuels » qui affectent aussi bien la société, la famille, que l’argent, a-t-il avancé. Ces mutations sont permanentes, et c’est bien pour ça « qu’il n’est pas question de vouloir rebâtir le système idéalement dans notre tête ».
Mieux vaut donc se référer à la pensée du prophète Michée, qui nous donne trois pistes. D’abord « accomplir la justice », c’est-à-dire, selon Etienne Perrot, « respecter la communauté dans laquelle on vit, ce qui passe par payer ses impôts en solidarité avec la communauté ». Ensuite « aimer avec tendresse », être attentif aux situations personnelles : on manque encore trop souvent « d’attention à la singularité des personnes, une attention pourtant indispensable à une vraie solidarité ». Enfin le prophète Michée appelle à « marcher humblement avec son Dieu », et donc avoir « le souci des pauvres », comme l’explique le jésuite.
L’examen critique des gains
Etienne Perrot s’est également interrogé sur notre attitude face aux origines de l’argent gagné. Bien sûr, tout gain venant de la prostitution ou des jeux de hasard est « suspect pour toute conscience éclairé ». Mais la légalité de ces activités n’exonère pas de tout examen critique sur les conséquences de nos revenus sur autrui.
Premier domaine visé : le travail, pour lequel on doit payer le juste prix. Etienne Perrot rappelle alors que, dans ce juste prix, « la doctrine sociale catholique demande à ce que le revenu soit suffisant pour assurer la subsistance de l’ouvrier et sa famille, et même d’accumuler un petit pécule ». Le jésuite appelle à dépasser les récriminations prévisibles des économistes face à cette position, en poussant à « des changements institutionnels et politiques tout en faisant un travail sur nous même ». Cet examen critique porte aussi sur le pendant du travail, le capital : si le risque doit être rémunéré, il faut que « ce risque ne soit pas uniquement financier, mais aussi celui des fournisseurs, des salariés… La communauté de risque fonde la solidarité ».
La semence de l’argent
L’orateur s’est ensuite s’intéressé au dernier versant du problème : l’usage de notre argent. « L’attitude chrétienne ne consiste pas à se débarraser de l’argent, mais à l’utiliser selon nos responsabiltés envers à autrui », a-t-il souligné. L’autre mot d’ordre est de s’efforcer de « payer le juste prix » : d’après tradition des théologiens, le juste prix se trouve non par l’évaluation du marché mais grâce à « une évaluation commune, c’est-à-dire une évaluation qui a le souci du bien commun ». L’épargne est également concernée : « avant de se donner bonne conscience avec les placements éthiques, il faut d’abord s’interroger sur la transparence des critères retenus pas ces fonds ou encore sur la politique d’intervention de l’entreprise», bref sur des questions très concrètes.
Enfin le don, que beaucoup de conférenciers ont appelé à redécouvrir, n’est pas oublié par Etienne Perrot. Ce don, « qui peut donner un sentiment d’euphorie une fois réalisé », doit être également examiné sous l’angle de l’efficacité. La sagesse de sa grand-mère fait alors réapparition, avec l’adage « gaspiller, c’est pire que voler ». Plusieurs questions doivent donc venir à l’esprit de chacun avant de passer à l’acte, comme de savoir « quelle part d’argent va toucher au final celui que je veux aider », et si « l’association à qui je donne est transparente ». A cette condition les préceptes du prophète Michée seront pleinement réalisés.
Les réactions du public
La sagesse de la grand-mère d’Etienne Perrot, invitée surprise de cette conférence, a retenu l’attention du public. Mais sans doute moins que le salaire des hauts dirigeants, thème que le jésuite avait déjà abordé au cours de sa conférence, mais sur lequel il est revenu longuement à la demande du public, visiblement partagé sur ce sujet. « Les revenus actuels de nos élites économiques ne sont justifiables ni par l’économie ni par la morale » a-t-il martelé. « Mais je ne cherche pas à juger des personnes, mais bien un système. C’est à chacun d’exercer la critique sur son fonctionnement » a-t-il précisé. A la sortie de la conférence, l’invitation avait été entendue. Gilles Denoyel, venu aux semaines sociales pour la première fois, se réjouissait de cet exposé « stimulant, qui me montre que nous avons beaucoup de progrès à faire : c’est vrai pour les salaires des dirigeants, mais aussi pour le salaire de chacun, dont on doit se demander s’il est justifié ».
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