Dossier Rencontres anuelles

Synthèse de la session 2015

Dimanche 4 Octobre 2015 – Religions et cultures, ressources pour imaginer le monde – 90ème session.

Avec Jérôme Vignon, président des Semaines sociales de France

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Chers amis,

Je voudrais d’abord vous remercier pour la réactivité dont vous avez fait preuve tout au long de ces trois journées. Nous avons souvent eu l’impression qu’entre vous et les intervenants, une véritable complicité s’était nouée comme si leurs propos, leurs méditations, leurs chants avaient touché en vous une forme d’harmonie. L’apparition inédite de Marianne Sébastien sur notre scène en fut, si j’ose dire, un point d’orgue. S’il est vrai que l’équipe de préparation a porté depuis 18 mois cette session, nous avons aussi par moments éprouvé que la session nous portait.

C’est le moment de rendre hommage aux membres de ce groupe de préparation animé par Elena Lasida et Christian Mellon, auxquels se sont joints Bénédicte Lamoureux, François Ernenwein, Christophe Grannec, Marianne de Boisredon, Radia Bakkouch, Hugues d’Hautefeuille, Marie Doubliez et Delphine Bellanger, Henri-Jérôme Gagey et Claire Sixt-Gateuille. Je veux ici rendre un hommage tout particulier à ces deux théologiens dont le fil rouge a donné consistance à l’ensemble de nos débats. Ils l’ont fait si bien ensemble que deux questions se posent.

  • Qu’est-ce qui différencie un théologien catholique pour qui tout n’est pas écrit dans l’Évangile et une théologienne protestante qui se réfère abondamment à une encyclique pontificale ? Sans doute étaient-ils dans un exercice de « consensus différencié ».
  • Quel lien entre ce fil rouge théologique et la doctrine sociale de l’Église, inspiration majeure des Semaines sociales ? Aux origines des Semaines sociales, entre les deux guerres mondiales, mes prédécesseurs décrivaient leur mission comme consistant à soumettre les analyses de la réalité tirées des sciences sociales aux principes tirés des connaissances de la Foi, afin d’en tirer des corrections souhaitables des réalités sociales. À cette vision qui relève plutôt d’une théologie systématique, le fil rouge oppose une théologie de type herméneutique, dont l’objet est de nous aider à interpréter les mouvements de notre époque, les questions sociales nouvelles, afin d’y discerner des signes d’un travail de l’Esprit. C’est, je le crois, bien dans ce sens herméneutique que se situe l’apport de l’enseignement social de l’Église pour les Semaines sociales aujourd’hui.

Religions et cultures, ressources pour imaginer le monde : que retenir d’essentiel ?

Comme il arrive parfois lorsqu’on met en tension « foi » et « société », le couple religions et monde sur lequel nous braquions notre projecteur est revenu en boomerang du monde vers les religions. Ce monde que nous entendions ré-imaginer nous est apparu dans une mutation intense et profonde. S’agissant de développement et d’environnement, on ne parle pas d’une crise, mais d’un bouleversement, d’un changement d’époque. Au fil des trois jours, notamment à l’écoute de Patrick Viveret, de Bernard Perret et, ce matin encore, de Mgr Monsengwo avec Yannick Jadot, nous en avons mesuré l’ampleur.

Ayant entendu ce que nous avons entendu, il ne nous est plus possible d’assister en spectateur. Nous sommes conviés à partager une forme d’angoisse caractéristique de notre époque. Cette angoisse consiste dans la prise de conscience d’une responsabilité collective incontournable et de la difficulté à se résoudre à accomplir les arrachements nécessaires. Alors que les boussoles du changement climatique s’affolent, c’est le moment de redevenir « lecteurs des signes des temps ». Car c’est seulement en s’immergeant dans le tourbillon du monde, en acceptant le dialogue avec tous ceux qui s’efforcent de concevoir une issue humaine à ces dangers que les religions, et singulièrement la religion chrétienne, peuvent porter leur fruit, se proposer comme ressource, selon les termes de Henri-Jérôme Gagey.

Nous avons touché au coeur de cette ressource lorsqu’avec Bernard Perret nous avons mieux compris le sens pour notre époque de « l’espérance chrétienne ». Elle s’exprime, avons-nous dit, comme une attitude prophétique qui conjugue la lucidité de la dénonciation des abus et des exploitations insoutenables avec la confiance dans l’annonce de voies possibles, capables de faire advenir, face à l’inconnu de l’avenir et aux défis inédits du présent, ce qui n’est encore qu’une promesse. Promesse à laquelle, cependant, nous nous abandonnons, confiants dans l’inépuisable inventivité des hommes lorsqu’ils mettent leurs pas dans ceux de Dieu.

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