L’hiver de la pédophilie

« Je ne suis pas catholique, à cause des prêtres, y compris les meilleurs. Et ils sont nombreux. Je ne suis pas catholique à cause des évêques, y compris tous les pasteurs authentiques, proches et serviteurs de leur communauté. Je ne suis pas catholique à cause du pape, même le plus engagé auprès des déshérités de notre temps. Je suis catholique à cause de l’amour de Dieu pour les plus vulnérables. Je suis catholique à cause de Jésus (…) ». C’est « au cœur de l’hiver de l’Eglise » que Véronique Margron, sur la radio RCF, livra ce cri du cœur le 4 septembre dernier. L’hiver des crimes et abus commis contre des enfants, l’hiver des mauvaises décisions, maladroites ou volontaires, de certains évêques. Avec elle, nous pourrions écrire que nous ne sommes pas catholiques non plus à cause de nous-mêmes laïcs, jamais à la hauteur de notre baptême.  La théologienne moraliste, pleinement engagée dans le travail auprès des victimes de crimes sexuels, ne veut pas céder au découragement.

Pourtant l’enchaînement des informations, en Allemagne,aux Etats Unis ou en France, n’a cessé d’assombrir un été météorologiquement radieux.  Devant les faits, il y a ceux qui rappellent (ce qui est vrai mais ne dédouane pas l’Eglise) que ce fléau touche toute la société, tous les milieux et particulièrement les familles, donc des hommes mariés ; ceux qui condamnent l’institution tout entière, coupable d’avoir abrité de telles perversités ; ceux qui souhaiteraient que l’on en parle moins ; ceux qui observent que toute intervention de l’Eglise sur les sujets touchant à la morale personnelle s’en trouve fortement dévalué. Ceux qui voudraient comprendre et pouvoir conjuguer vigilance et confiance.

Non sans mal et avec  retard, la hiérarchie a pris la mesure des événements ; des dispositifs concrets sont mis en œuvre pour écouter les victimes et enclencher la machine judiciaire. Les demandes de pardon, la reconnaissance des fautes, la douleur sincère exprimée par les responsables ne suffisent pourtant pas. Hommage, par défaut, à l’idéal que l’on attend d’un prêtre, d’une institution comme l’Eglise catholique.

Que s’est-il passé ? Comment en est-on arrivé là ? Peut-on éviter de tels drames ? Des questions se posent sur le recrutement des futurs prêtres et leur formation, même si là aussi des efforts ont été faits pour mieux cerner le développement psycho affectif des séminaristes. Y a-t-il dans la vocation de certains, la volonté, l’espoir, de sublimer des pulsions sexuelles perçues comme mauvaises, le célibat et la chasteté apparaissant alors– à tort – comme un rempart ?

La deuxième interrogation concerne les erreurs de ceux qui ont ignoré ou couvert des faits délictueux. Ils n’ont pas pris la mesure de la souffrance des victimes abusées par ceux en qui ils mettaient leur confiance ; ils ont d’abord pensé à protéger « leur » prêtre. Le Pape dans sa lettre au peuple de Dieu met en cause le « cléricalisme ». Le cléricalisme, ce n’est pas seulement une maladie des clercs, mais une dérive de tous les détenteurs de pouvoir, soucieux de défendre et préserver leur structure. Des laïcs peuvent en être atteints. Cela interroge la gouvernance de l’Eglise catholique – bien au-delà de la pédophilie – qui devrait être  large, plurielle, diverse, plus fraternelle entre clercs et laïcs, entre hommes et femmes…

Fermer les yeux ou jeter la pierre, ne servira de rien si nous ne témoignons pas, clercs ou laïcs, dans nos engagements personnel, professionnel, associatif, spirituel, que nous sommes à l’écoute et au service des plus vulnérables.

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Par Dominique Quinio, présidente des SSF

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