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Dossier La Tribune du Christianisme social
La nouvelle exhortation du pape François, Laudate Deum, est en bonne partie contextuelle. Si les fondamentaux spirituels, bibliques, anthropologiques et cosmologiques de Laudato Sì y servent clairement de fondations, le Pape vise ici à peser sur la COP 28 qui aura lieu début décembre à Dubaï. Or, le Pape le reconnaît lui-même, à regard humain, peu d’observateurs prévoient de grandes avancées dans cette 28ème édition des négociations climatiques internationales. Non seulement le contexte géopolitique international hyper-tendu (Ukraine/Russie, Arménie/Azerbaïdjan, Palestine/Israël) ne favorise en rien une négociation. Mais surtout, le pays hôte est, comme le rappelle le Pape, « un pays du Golfe Persique qui se définit comme un grand exportateur d’énergies fossiles [et] les compagnies pétrolières et gazières ambitionnent de réaliser de nouveaux projets pour augmenter encore la production. » (53). Nommer président de la COP celui qui est par ailleurs ministre de l’industrie des Émirats Arabes Unis et PDG de la compagnie pétrolière nationale n’est pas un signe de crédibilité des négociations qui vont se dérouler à Dubaï. Quand on sait que même l’Agence Internationale de l’Énergie dit clairement que respecter les accords de Paris (COP 21) nécessite d’arrêter tout nouveau Projet d’énergie fossile, il y a vraiment de quoi désespérer.
Mais c’est précisément là que le Pape veut en venir. Il enchaîne en effet la citation précédente avec cette affirmation : « Dire qu’il n’y a rien à espérer serait un acte suicidaire qui conduirait à exposer toute l’humanité, en particulier les plus pauvres, aux pires impacts du changement climatique » (53).
C’est donc d’espérance qu’il est question. Et d’espérance qu’il y a besoin. Espérance dont on pourrait attendre que les chrétiens soient sources (ou racines selon la perspective), dans un monde qui oscille entre espoirs et désespoirs humains, avec une tendance vers les seconds.
Car si la COP 28 tend plutôt vers le désespoir à regard humain, on pourrait citer comme grand espoir la victoire en septembre des indigènes brésiliens pour faire reconnaître leurs droits historiques sur toutes leurs terres ancestrales, et non seulement sur celles répertoriées officiellement en 1988 lors de la promulgation de la Constitution actuelle du Brésil. On pourrait aussi parler des îles Loyauté en Nouvelle-Calédonie qui accordent, pour la première fois dans le droit français, une personnalité juridique aux tortues et aux requins, un exemple des évolutions du droit comme source d’espoirs pour inventer le monde de demain.
Mais sans oublier que, dans le même temps, le dépassement de la 6ème des 9 frontières planétaires, à savoir celle de l’eau douce, a été actéi. Et que, pour la deuxième année consécutive, l’Indice de Développement Humain chute, effaçant les progrès des 5 années précédentes. Bref, de quelque point de vue qu’on se place, local, régional, global, écologique ou social, c’est l’incertitude qui domine. La tentation est alors grande de vouloir s’isoler, comme continent, ou comme nation, comme individu, ou même comme Église. Mais là n’est pas la mission des chrétiens et des chrétiennes, là n’est pas la vocation de l’Église du Christ !
Vatican II l’affirme nettement dès les premiers mots de la grande Constitution Pastorale sur l’Église dans le monde de ce temps, Gaudium et Spes (GS 1) : « Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur.
Nous avons mission de parcourir les chemins d’espoirs et de désespoirs de l’humanité avec nos frères et sœurs, sans chercher à nous échapper, et de trouver, avec Jésus, comment son nom qui dit « Dieu sauve » résonne aujourd’hui pour nous personnellement et ecclésialement, nous avons mission de partager cette résonance avec toute l’humanité. Nous avons mission d’espérance, jusqu’à la fin du monde.
Que chacun et chacune de nous
ose donc prendre et inventer les chemins de l’humanité en Anthropocène,
il en va de l’espérance et du salut du monde.
i Les limites planétaires : concept établi en 2009 par Johan Rockstöm au Stockholm Résilience Centre ; limites qu’il ne faudrait pas dépasser pour maintenir un environnement sûr. 6 limites ont été dépassées sur 9.
Xavier de Bénazé
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