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Dossier La Tribune du Christianisme social
Le résultat des élections législatives bouscule notre paysage politique. Il envoie un message au président de la République, certes, à qui le « peuple » (que la Nouvelle alliance populaire économique et sociale comme le Rassemblement national revendiquent de représenter) a refusé, pour son second mandat, les pleins pouvoirs en le privant d’une majorité absolue. Mais il n’est pas le seul à devoir tirer la leçon de ce scrutin.
L’abstention a continué de signifier, dans la suite de ce que le pays connaît depuis des décennies, la désaffection pour les élections, régionales notamment. Les bons résultats obtenus par la coalition de gauche et l’extrême droite ne doivent pas faire oublier que la moitié des électeurs n’a pas voulu, pour des raisons diverses [1], participer à ce qui pouvait pourtant paraître comme un vrai choix entre des options idéologiques très différentes. La fracture générationnelle s’est confirmée : une très grande majorité des jeunes ne s’est pas prononcée, alors que la question écologique, par exemple, semble être au cœur de leurs préoccupations. Est-il acceptable que le verdict des urnes reflète essentiellement les aspirations des générations plus âgées ?
Si le pays risque d’être ingouvernable, comme le répètent à l’envi les commentaires, ce ne sera pas seulement en raison de la difficulté de trouver une majorité pour faire adopter une loi, mais parce que bien des citoyens continueront à penser qu’ils ne comptent pas, qu’ils sont laissés sur le bord du chemin. Le risque qu’à nouveau colères et frustrations s’expriment dans la rue n’aura pas disparu avec la nouvelle composition de l’Assemblée nationale.
Autre sujet d’amertume : le succès du Rassemblement national. Ses idées nous inquiètent, nous révulsent, par ce qu’elles portent d’exclusion, mais comment ne pas trouver logique que les électeurs qui ont porté Marine Le Pen à la deuxième place dans l’élection présidentielle puissent être représentés au Parlement ? Ils ne pourront plus, dès lors, se présenter en éternelles victimes du système et devront se frotter aux réalités et aux complexités de notre société.
On a souvent dit que les Français (contrairement aux responsables politiques, bien sûr) aimaient l’idée de cohabitation, parce que, à leurs yeux, cela permet d’installer des contre-pouvoirs salutaires. Alors que la France n’en a pas l’habitude, ils imaginent que l’obligation de composer avec ses adversaires politiques aidera le gouvernement à opter pour des décisions pouvant être acceptées par le plus grand nombre, tout en espérant que ce ne soit pas les moins-disantes en matière de justice sociale, de réalisme économique ou d’engagement écologique…
Cela ne prendra pas semble-t-il la forme d’une coalition de gouvernement (les responsables de l’opposition s’y refusent), mais plutôt de majorités conjoncturelles, fluctuantes, selon les projets. Encore faut-il que l’ensemble des partenaires aient le désir de jouer le jeu du débat constructif et du compromis, que chacun soit prêt à faire des concessions. D’abord, le président de la République lui-même, malgré sa volonté, réaffirmée lors de sa courte allocution, de mener à bien toutes les réformes annoncées dans le programme qui l’a porté au pouvoir. Il lui faudra amender son mode de gouvernement et ne pas ignorer les corps intermédiaires, relais entre le peuple et le pouvoir. Mais l’enjeu concerne aussi les oppositions. Voudront-elles jouer la politique d’obstruction systématique au point de bloquer le système et de parvenir au « chaos » qui obligerait à des nouvelles élections ? En faisant en sorte de faire reposer la responsabilité de l’échec sur Emmanuel Macron pour mieux préparer leur propre avenir politique ? Voudront-elles au contraire, ces oppositions, si des pas sont faits vers elles, envisager de soutenir des projets qu’elles jugeraient bons pour les Français ?
Si tel était le cas, osons dire que ce résultat d’élections, porteur de tant d’incertitudes, serait une bonne nouvelle, une occasion d’apprentissage pour une nouvelle façon de gouverner ou de se situer dans l’opposition, un signe de maturité démocratique. Car il n’y a pas de temps à perdre : l’immobilisme serait une catastrophe. Il est urgent de concrétiser la transition écologique, urgent de réduire les inégalités, urgent de redonner aux jeunes la confiance dans la démocratie, urgent de construire une Europe forte, quand à ses frontières, la guerre sévit… Urgent !
[1] L’étude de Destin commun
Dominique Quinio, Présidente d’honneur des Semaines sociales de France
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