Discerner ? et débattre…

Le retour dramatique de la guerre en Europe ne doit pas nous empêcher de poursuivre le nécessaire travail permanent de discernement sur les mots, les choix, les actions de notre communauté, ou alors les forces de guerre auraient déjà gagné. Par contre l’horreur vécue par nos frères, l’instrumentalisation des Eglises par le politique, donne à chacun de nous l’obligation de chercher une voie pour participer à la marche synodale vers la Paix.

En septembre 2021, au Vatican, le secrétariat général du Synode des évêques a rendu public un Document Préparatoire pour ce synode. Dès le deuxième chapitre une question de fond est posée : comment se réalise aujourd’hui le « Marcher ensemble » ? Un objectif est proposé : « Reconnaître la communauté chrétienne comme sujet crédible et comme partenaire fiable pour s’engager sur le chemin du dialogue social, de la guérison, de la réconciliation, de l’inclusion et de la participation, de la reconstruction de la démocratie, de la promotion de la fraternité et de l’amitié sociale ». La phrase est simple, l’objectif fort.

Il y a quelques semaines, en janvier, le Conseil permanent des évêques de France a publié « Débattre et discerner », une déclaration à l’approche des élections de 2022, comme il le fait régulièrement en pareilles circonstances. Ce texte dit la nécessité de retrouver le sens du politique. Il couvre bien les grands thèmes à l’ordre du jour. Dès le premier chapitre la crise sanitaire est l’occasion de poser le respect inconditionnel de toute vie humaine, de la naissance à la mort ; et le texte est clair sur les contradictions vécues : surenchère sanitaire et tentation de l’euthanasie. Plus loin la révélation biblique mais aussi, détour intéressant, la pensée grecque, sont évoquées quand elles mettent en garde contre la démesure ou l’idolâtrie du pouvoir : le quotidien du débat électoral montre la pertinence de ce rappel. Le chapitre sur les religions « une chance pour notre société en quête de sens » revient sur la laïcité qui permet la rencontre de croyants de diverses religions, « une chance pour notre avenir social commun » Voilà une posture manifestement rejetée par ceux qui voudraient instrumentaliser nos racines au profit de l’exclusion de l’autre. Laudato Si permet de souligner que l’écologie intégrale est inséparable de l’exigeante notion de bien commun, et les conditions sociales de la défense de ce bien commun sont détaillées. Sous le constat qui peut sembler un peu réducteur « La France n’est pas une île », nos responsabilités internationales -Fratelli tutti – et le potentiel européen, sont cités. Ce texte couvre donc les enjeux contemporains et chaque chapitre se termine de manière novatrice par des questions précises : comment sommes-nous prêts à agir dans chaque domaine ?

L’introduction du texte mentionne la nécessaire « humilité » de l’Eglise catholique dans le débat, après avoir reconnu sa responsabilité institutionnelle dans les violences sexuelles subies par tant de personnes. Cette mention était nécessaire, mais cette humilité n’a-t-elle pas conduit les rédacteurs à une certaine retenue ? La gravité, la difficulté des questions aujourd’hui posées au politique, défi climatique, perte de cohésion sociale, accroissement des inégalités de patrimoine et de revenus, violence, non pas « latente » mais observée tous les jours, et l’urgence des réponses à apporter, ne semble pas toujours prises en compte avec la force du Document Préparatoire du Synode rappelé ci-dessus. Le Synode lui-même n’est pas cité, comme si l’univers ecclésial et l’univers politique étaient disjoints, alors même que la démarche synodale nous demande de lier mode de cheminement partagé dans l’Eglise et objectifs à atteindre par la communauté de croyants.

On imagine facilement que la Conférence des évêques est prudente dans sa posture politique, afin de parler au nom de tous les catholiques et d’éviter toute intervention exploitable électoralement, mais alors comment témoigner et des réalités dramatiques vécues aujourd’hui et de la capacité des catholiques à s’engager ? La Lettre des SSF de janvier, sous le titre « De quelle Eglise rêvons- nous ? » reprend le forum ouvert par les Semaines Sociales pour participer à la démarche synodale ; il y est proposé de créer un Conseil représentatif des Catholiques de France, élu par les responsables de congrégations, d’associations, de mouvements… qui participerait à la représentation de l’Eglise auprès des instances de la République. La gravité des différentes crises vécues accentue la pertinence de cette proposition. Là où l’institution Eglise de France donne parfois dans le registre attendu, les catholiques appelés à s’exprimer, pourraient surprendre. La Déclaration s’interroge : « en présence du dynamisme d’autres cultures… où réside notre propre dynamisme ? » Peut-être dans le peuple des croyants…

Philippe Segretain, administrateur des Semaines sociales de France

Lire le texte L’espérance ne déçoit pas, débattre et discerner, de la Conférence des évêques de France

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– Abstention aux élections, comment l’éviter ?

– Catholicisme, une fausse considération

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