Violence et non violence

Alors que la violence institutionnelle peut entraîner des réactions violentes dans une spirale destructrice dont il est difficile de sortir, rappelons-nous les leçons de grandes luttes non-violentes qui ont changé un ordre injuste.

« Le droit est un moyen puissant de juguler la violence »

« Toute institution peut créer de la violence, … (c’est à dire) un abus qui nuit à l’intégrité des personnes, … à partir du moment où des dysfonctionnements apparaissent » qu’ils soient dus à l’institution elle-même ou à tel ou tel de ses employés[1]. Mais, qu’il s’agisse de maltraitance d’enfants dans les pensionnats, de vieillards dans les maisons de retraite ou de bavures policière, des contrôles existent, des plaintes peuvent être déposées et les dysfonctionnements sanctionnés et corrigés. Le droit est, en effet, un moyen puissant de juguler la violence.

Don Helder Camara, évêque de Recife de 1964 à 1985, va plus loin lorsqu’il dénonce la violence d’institutions utilisées par le pouvoir pour réprimer et faire peur ou au service d’un système économique qui écrase : « La première (des violences), mère de toutes les autres, est la violence institutionnelle, celle qui légalise et perpétue les dominations, les oppressions et les exploitations, celle qui écrase et lamine des millions d’hommes dans ses rouages silencieux et bien huilés[2] » .

Trois hommes se sont dressés contre des violences de cette sorte : GANDHI contre les règles imposées par les autorités coloniales britanniques, Nelson MANDELA contre l’apartheid, et Dom Helder CAMARA, lui même, contre la dictature militaire. Trois hommes qui ont prôné des actions non violentes, actions qui ont finalement triomphé.

GANDHI a organisé en 1930 la marche du sel contre la loi qui interdisait aux Indiens d’extraire le sel des eaux salées alors que cela était autorisé dans les colonies britanniques de peuplement européen ; il dénonçait, ainsi, une injustice patente et prônait la désobéissance civile[3] , c’est-à-dire le refus éthique d’obéir à une loi jugée injuste. MANDELA s’est adressé aux autorités sud-africaines en se fondant sur la Charte de l’ONU, les Droits humains et la condamnation de l’apartheid qui sont autant de textes internationaux refusant toute discrimination liée à la race. Il a conduit des manifestations et l’A.N.C (Congrès National Africain) n’a eu recours « à la violence que lorsque toutes les autres options ont été bloquées[4] » . Dom Helder CAMARA a porté l’effort sur l’éducation et la prise de conscience par les victimes des causes de leur situation.

« De ces exemples célèbres et de dizaines d’autres qui ont fait bouger les choses se dégagent quelques caractères d’une action non-violente efficace. »

De même que l’amour n’est pas le contraire de la haine, l’action non violente est plus qu’une action sans violence ; elle est un combat pour plus de justice, pour plus de solidarité, pour la préservation de tel ou tel élément du bien commun (l’air pur, l’eau potable par exemple). Ce combat peut naître de multiples insatisfactions, indignations ou révoltes, mais, pour durer et devenir efficace, il a besoin d’un objectif, d’une stratégie et d’une vision pour laquelle des hommes et des femmes s’engagent et à laquelle adhère une part significative de la population.

Il faut donc convaincre.

Plus les hommes et des femmes qui s’engagent sont nombreux et divers, plus ils peuvent imaginer différentes formes d’action non violente et toucher ainsi de plus larges couches de la population. Si le combat mené est soutenu dans d’autres pays, même par de simples déclarations ou manifestations, l’adhésion de la population s’étend et la pression sur le gouvernement devient plus forte. À la longue la politique qu’il mène devient illégitime et le gouvernement est contraint de l’abandonner, voire de se démettre.

S’il faut convaincre, il faut, également, être prêt au dialogue avec ceux dont on combat les politiques et l’action, car quand le rapport de force bascule, il faut organiser une transition aussi pacifique que possible. Il a fallu quatre ans entre le moment où Frederik de Klerk annonce qu’il va mettre fin à l’apartheid et les élections qui, en 1994, portent Nelson MANDELA au pouvoir. Tout aussi important est le dialogue entre les mouvements qui ont mené le combat pour que se mettent en place de nouvelles institutions et de nouvelles politiques.

« La non-violence n’est pas spontanée, elle s’apprend. « 

Au plan personnel, elle est d’abord une victoire sur soi-même ; au plan culturel, elle est l’apprentissage du conflit constructif ; au plan politique, elle est le fondement du progrès démocratique.

  1. Interview de Jacques PAIN, 2005, www.jacques-pain.fr/jacquespain/Art_ITW
  2. Documenthèque virtuelle | culturedocumentee.wordpress.com Citations & films documentaires | Culture documentée. Cette citation de Don Helder Camara se retrouve sur de nombreux sites Internet sans jamais une référence à un écrit ou une conférence, mais elle est bien de son style et conforme à sa pensée. Voir deux de ses ouvrages Spirale de la violence DDB, Paris, 1970 et Révolution dans la paix Le Seuil, Paris, 1970.
  3. Le concept de désobéissance civile a été forgé par Henry David THOREAU, Civil Disobedience, 1849, nombreuses traductions dont la dernière La désobéissance civile, traduction Jacques MAILHOS, Galimeister, Paris, 2017
  4. Nelson MENDELA, lettre du 25 février 1985 à P.W. Botha, Lettres de prison de Nelson MENDELA, 571-579, éditeur Sahm VENTER, traduction Jean GUILOINEAU, Robert Lafond, Paris 2018. p. 571

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Yves BERTHELOT, rédacteur des SSF

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